27 septembre 2020
Temps de lecture 3 mins.

« Les Nordistes »

Une nouvelle d'Alphonse Ntep

Il y a un certain temps, une localité de la zone sahélienne du Cameroun accueillait  plusieurs chercheurs et explorateurs. Deux  peuples, les HAOUSSAS issus du Nigéria  et les FULBES originaires de cette partie du pays avaient une langue, des coutumes, et un mode de vie différents. Ils partageaient un  territoire délimité par une rivière qui prenait sa source dans le fleuve de la Bénoué. On l’appelait GAM DOUNIA (source de vie).

Gam Dounia,  le lieu d’approvisionnement des deux peuples en eau pour l’irrigation, également espace de repos pour le bétail, servait aussi de biotope pour la pratique de la pisciculture. Les deux peuples vivaient heureux; chacun de leur côté. Le temps s’écoulait et les peuples vivaient toujours en autarcie à cause des barrières de la langue. 

Une année fut marquée par une longue sècheresse due au changement climatique.   Gam Dounia  se tarissait progressivement, et cela impactait sur la pratique de la pisciculture .Avec la disparition des poissons, la famine s’installait, le bétail mourait progressivement. La panique gagnait les deux groupes. Les autorités compétentes de chaque peuple organisaient des assemblées afin de chercher l’origine du phénomène et trouver une solution à cette catastrophe naturelle liée aux aléas climatiques.

Des ressentiments vieux comme le monde

Dominée par des pratiques superstitieuses, le peuple Haoussa jugeait que ce problème n’était  qu’un mauvais tour mystique du peuple Fulbé pour saboter leur élevage et leur récolte. Parallèlement, le peuple Fulbé estimait que le manque d’eau était dû à la surexploitation  de la rivière par les Haoussas au profit de leur plantation. Pour eux, ce geste égoïste visait à détruire le bétail par manque d’eau.

« Une guerre tribale s’en suivit, causant plusieurs pertes en vies humaines »

La langue constituant une réelle barrière entre les deux peuples, la tension et la panique s’installaient de plus en plus des deux côtés. La famine avait pris le dessus et causa la mort de plusieurs nourrissons. Une guerre tribale s’en suivit, causant plusieurs pertes en vies humaines, de nombreux invalides et des dégâts dans les infrastructures collectives (maison, école, dispensaire de santé…).

Trouver un lien permettant de communiquer

Le chaos régnait dans la région. Au milieu de ce désordre, se trouvaient  des jeunes chercheurs en anthropologie et lettres françaises pour effectuer des stages et des recherches sur le terrain. Lors  d’une concertation à huis clos, se souciant du devenir des deux communautés,  les jeunes chercheurs en anthropologie trouvèrent judicieux de leur inculquer une langue commune pour  trouver une harmonie, nouer un lien pour  vivre ensemble et établir un développement durable pour toute la région. Les chercheurs en lettres françaises décidèrent  de prendre en charge cette responsabilité : l’enseignement d’une langue qui serait commune aux deux peuples: le Français.

Ces jeunes chercheurs ont progressivement mené à bien leur mission. Un lien existait désormais entre les deux peuples; l’usage de la langue française.

Ils ne formaient désormais qu’une seule entité unie par le partage de la langue française. Au fil du temps, le peuple trouva l’origine de l’assèchement du Gam Dounia. A l’aide des matériaux locaux, un pont fut construit pour faciliter la libre circulation des biens et des personnes des deux côtés des territoires.

La langue adoptée fut désormais  le français et les langues d’origines comme le HAOUSSA et le FU FULDE devinrent  des dialectes qui assuraient la pérennité de leur culture ancestrale.

Les jeunes chercheurs eurent toutes les informations nécessaires pour poursuivre leurs recherches grâce aux questionnaires qu’ils pouvaient désormais élaborer en langue française pour les habitants devenus des personnes ressources.

La guerre avait  pris fin et une période de crue s’annonça pour Gam Dounia.

Il est  actuellement difficile de distinguer à vue d’œil un Haoussa issu du Nigéria et un Fulbé originaire de la partie septentrionale du Cameroun, à moins de fouiller dans leur culture ancestrale.    Ils ne forment plus qu’une seule et unique famille connue sous la fameuse appellation:    « Les Nordistes ».

Alphonse Ntep

Alphonse Ntep, l’auteur

Connu sous le pseudonyme de Alphonse Ntep, Alphonse Magloire Ntep Ntep est un réalisateur camerounais de moins de trente ans. Titulaire d’une Maîtrise en Economie de Développement obtenue à l’Université d’Etat de Yaoundé 1, il fait ses classes de cinéma à l’Institut Spécialisé de formations aux métiers du Cinéma et de l’Audiovisuel d’Afrique Centrale (Scénario)… Et suit un atelier de formation en Réalisation Cinéma notamment à Yarha. Son premier court métrage de fiction « Surprise » le révèle au grand public en 2018… La même année, le jeune auteur verra son premier ouvrage « KENGBA » publié aux éditions de la Douzième Vague en France. Deux ans après, il siège en tant que membre du comité de visionnage et de sélection des films lors de la 24e édition du festival Ecrans Noirs. Sa collaboration avec l’Association Belge francophone ARPNS (Association Royale de Presse Nord Sud) lui a valu plusieurs articles sur le Cinéma Africain dont il est l’auteur… 

Source: Le Cinéma Documentaire

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Costa Gavras à Tournai, 2020
Article précédent

Costa Gavras et la dictature de l’argent

Article suivant

“Albert Camus, journaliste”: 4 règles d’or d’un journaliste libre

Optimized by Optimole
Aller à

Don't Miss